Instrument de musique électronique multisensoriel inspiré du Paon pour le projet PlumPlum / Pierre Fontaine, Mathis Freudenberger & Vinssent Lasèque / Instrument de musique électronique multisensoriel inspiré du Paon

Frédérique Krupa du Digital Design Lab

Depuis 20 ans, L’École de design Nantes Atlantique est précurseur dans le domaine du design numérique.

Son premier cursus, axé sur la conception d’interfaces graphiques, analysait les notions de construction narrative et de nouveaux services liés à l’usage d’Internet. Les temps changent et les technologies évoluent rapidement.

À présent, une multitude d’artefacts numériques apparaissent sur le marché avec la promesse de nouvelles expériences utilisateurs toujours plus stimulantes et performantes. Qu’en est-il vraiment ? Entretien avec Frédérique Krupa, directrice du Digital Design Lab et designer-chercheuse passionnée.

L’Intelligence Artificielle & le design : un duo à impulser

"Quand on parle d’Intelligence Artificielle, l’imaginaire collectif pense facilement à “Terminator”". Nombre de références médiatiques et cinématographiques célèbres vont dans ce sens. Les représentations populaires portent toutes cette idée de la reproduction d’une intelligence humaine.

Pourtant l’IA ou Artifical Human Intelligence, vaste domaine à la connotation tronquée, désigne un autre type de système. Il s’agit d’une automatisation cognitive dont le rôle est plutôt celui "d’un animal de service qui a une action ponctuelle, définie et limitée."

On définit des tâches et comportements à effectuer à travers des algorithmes. L’IA peut se construire de manière traditionnelle avec un système expert ou en créant un système qui construit son intelligence à travers l’expérience. Ceci s’appelle l’apprentissage automatique ou le machine learning.

Frédérique Krupa, directrice du Digital Design LabFrédérique Krupa, directrice du Digital Design Lab

L’approche algorithmique construit des modèles et des connaissances à travers la recherche de pattern dans une analyse de données. Le designer doit être présent en amont pour identifier les idées à impulser avec ces techniques spécifiques. Créer ces bases de données est un processus très chronophage, la création de modèles algorithmiques est très énergivore et l’IA est inapte à résoudre tous les problèmes mondiaux - pauvreté, sécurité alimentaire, changement climatique, manque d’éducation, insécurité, etc…

La question à se poser, pour le designer, est : cette application automatique est-elle optimale pour résoudre tel besoin ou problème ? Le designer est là pour réfléchir à la technologie produite par l’équipe de scientifiques et ingénieurs. "Comment cette technologie va-t-elle intégrer les us et coutumes sociaux ? Quel effet va-t-elle avoir sur le consommateur ?"

Hybridation des univers physiques et virtuels : un combo à surveiller

Le Digital Design Lab accompagne l’évolution technologique depuis les premiers “hypermédia” : les technologies de reconnaissances (& synthèse) vocales, d’images, la fouille et l’exploitation du Big Data, l’Intelligence Artificielle, la robotique, les Réalités Virtuelles, Augmentées ou Mélangées...

Le Lab travaille à la fois sur la prise en compte de l’UI Design et l’UX Design. Quelle différence y a-t-il entre ces deux formes de design ? Le UI désigne l’Interface Utilisateurs ou l’expérience autour d’Internet, du web et de l’écran. Les designers UI se focalisent sur une temporalité se déroulant du début à la fin de l’utilisation.

L’UX design, de son côté, conçoit l’expérience utilisateurs et concerne les outils de gestion et de recherche pour appréhender l’expérience sur un spectre plus large. On définit un réseau de parties prenantes autour d’un système. Par exemple : le système d’Airbnb, de l’industrie de l’hôtellerie, a des répercussions plus variées que celles concernant directement le propriétaire ou le client. Les voisins du logement, les locataires d’une ville et les hôteliers peuvent subir les répercussions d’un abus du système, par exemple.

De même, les utilisateurs vont interagir différemment selon la nature de l’objet connecté : assistants vocaux, tels que Siri, haut-parleur connecté ou même montre intelligente. Au designer d’anticiper et de clarifier les besoins/impacts, selon l’environnement de l’interface ou du logiciel.

Un design digital éthique à promouvoir

"Je suis choquée aujourd’hui de constater qu’on ne se pose plus de questions sur la finalité de l’utilisation des outils numériques."

Plusieurs constats s’imposent :

  • On parle de systèmes intelligents, pourtant les IA sont soigneusement conservées dans des boîtes noires gardées par les GAFAM ;
  • le terrain de création de ces technologies peut être le terreau d’une forme de confiscation de pouvoir par des élites sociales blanches prédominantes ;
  • questionner la création d’artefacts au regard de critères tels que l’âge, le groupe social, la diversité et l’inclusion est essentiel ;
  • l’implémentation de ces technologies devrait être pensée comme la diffusion d’outils durables et démocratiques conçus pour le bien commun ;
  • si le designer utilise le Machine Learning sans compétences techniques, il ne comprend pas les dangers et les limites du prototype qu’il contribue à créer ;
  • la collaboration entre Humains et Machines est, pour l’instant, de plus en plus automatisée… au risque d’y perdre notre capacité à la comprendre et à la contrôler !

Tous ces paramètres nous alertent sur les risques multiples à continuer de créer de nouveaux artefacts numériques sans prendre en compte l’expertise du designer.

Le designer peut et doit aider à développer la porosité entre ces modes de communications. Selon Frédérique Krupa, le rôle du digital designer est de proposer de nouvelles passerelles intelligentes et stratégiques, illustrées par des maquettes, prototypes et autres démonstrateurs. Pour cela, le designer doit acquérir des compétences techniques et mathématiques qui lui permettent de se positionner face à l’équipe recherche et développement du projet. "On crée des modèles d’une complexité inouïe, mais on n’a aucune idée des coulisses de création."

L’idée ? Proposer de nouvelles relations entre humains et machines plus efficientes, mais également plus sensibles et empathiques. Car c’est par le cœur que nous, humains, affirmons notre appartenance et reliance commune au monde.

En 2021, L’École de design Nantes Atlantique célèbre les 20 ans de sa première promotion de designers numériques en formation initiale. En 20 ans, l’école a su développer de nombreuses possibilités de parcours de formation et plus récemment, déployer le numérique de manière transversale sur l’ensemble de ses enseignements. Ecoute du marché et savoir-faire sont les clés pour forger des profils de designers numériques aux multiples compétences, répondre aux transformations des pratiques et des usages induites par le numérique et accompagner les organisations dans ce nouveau territoire. UX Design, Product Design, Information Design, Game Design, Motion Design… Plus de 700 designers ont été formés à L’École de design Nantes Atlantique. Ces différentes générations de designers occupent aujourd’hui des postes clés dans de nombreuses entreprises et organisations en France et à l’international et exercent de la Silicon Valley aux startups de la French Tech.

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Ecrit le 21.06.21

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